La Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestique des élections (CODEL), a organisé, jeudi 28 juin 2018, à Manga, une conférence publique sur le foncier au Burkina Faso. Les textes de lois et les politiques en matière de sécurisation foncière ont constitué les principaux sujets évoqués.
Les enjeux de la sécurisation foncière et les textes de lois régissant le domaine au Burkina Faso continuent d’alimenter les débats. En effet, la thématique a fait l’objet d’une conférence publique organisée par la Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestique des élections (CODEL), le jeudi 28 juin 2018, à Manga dans la région du Centre-Sud. L’avocat et ancien magistrat rompu aux questions foncières, Me Fako Ouattara, a livré la principale communication de la rencontre sur le thème « La question du foncier, problématique et solutions ». A l’entame de son exposé, il a revisité les différentes formes de gestion de la terre dans les sociétés du Burkina Faso. Aussi a-t-il expliqué, à la période précoloniale, la terre était une propriété collective gérée par la notabilité. Sous l’ère coloniale, son acquisition est conférée par une immatriculation contre paiement d’impôts et autres taxes, bouleversant ainsi l’ancien ordre qui proscrivait sa vente. Au lendemain des indépendances, les exactions du colon sur les propriétés foncières sont contenues dans la Loi 6760. Quoique réorganisant les procédures de lotissement des centres urbains et reconnaissant le droit coutumier, cette loi, a fait savoir Me Ouattara, n’a pas facilité l’exercice de l’acquisition des titres fonciers pour toutes les populations, en l’occurrence celles des zones rurales. La majorité n’étant pas lettrée, les procédures étaient méconnues par ces dernières. Et par voie de conséquence, elles étaient moins enclines à entreprendre les démarches pour s’en approprier, a-t-il dit.
C’est au regard de cette insuffisance d’ailleurs que la Réforme agraire et foncière (RAF) est intervenue en 2009 pour prendre en compte les attentes de toutes les couches sociales. La Loi 034 qui en dériva, a poursuivi Me Fako Ouattara, a ainsi ramené la gestion du foncier au niveau villageois avec la mise en place des Commissions foncières villageoises (CFV) et des Commissions de conciliation foncière villageoises (CCFV).
Permettre l’accès de la femme à la terre
Désormais, l’acquisition de l’Attestation de possession foncière (APF) par le biais de ces structures locales confère une légalité dans la jouissance des propriétés, tout en préservant de l’accaparement des terres et en prévenant les crises subséquentes. Ce parchemin étant « très important », Me Ouattara a exhorté les populations à s’en approprier. Aussi, il a appelé les participants à œuvrer pour la création des CFV et CCFV afin de faciliter la délivrance de documents fonciers pour tous. Citant la Tanzanie en exemple, qui a pu réaliser lesdits documents pour la quasi-totalité de ses propriétaires fonciers, il a signifié que le pari peut être aussi relevé au Burkina Faso.
Dans leurs interventions, les participants ont attiré l’attention, entre autres, sur l’incongruité entre certaines considérations traditionnelles et les principes-directeurs des textes réglementaires comme l’égalité de tous au droit à la terre. C’est par exemple, a dit le Tinting Naaba Joseph Zoungrana, le cas de la femme à qui le droit coutumier moaga refuse l’accès à la terre. Une situation, selon lui, qui risque d’entacher la mise en œuvre effective de la Loi sur le foncier. A cette inquiétude, Me Ouattara a soutenu que les comportements sociétaux étant évolutifs, il convient de reconsidérer les perceptions et de se conformer à la loi en vigueur. Aujourd’hui, a-t-il soutenu, la femme aussi bien que l’homme a les mêmes droits sur la terre. De son point de vue, si cette réalité peine toujours à être acceptée dans certaines zones, il est de bon ton d’y renforcer la sensibilisation et ce, dans l’intérêt de tous et pour un développement inclusif.
A en croire Me Fako Ouattara, l’organisation de la rencontre de Manga par la CODEL s’inscrit justement dans cette dynamique.
« La question foncière étant l’une des questions les plus préoccupantes de l’heure, il était important d’entretenir les populations sur les démarches qu’ils doivent avoir pour se sécuriser »
a-t-il noté. Embouchant la même trompette, Le président de la CODEL par la voix de sa secrétaire générale adjointe, Florence Ouattara, a noté que la terre est un bien commun. Et c’est pourquoi,
« l’Etat essaie de l’aménager, l’encadrer juridiquement, socialement et politiquement au profit des citoyens et pour leur permettre d’en jouir amplement, équitablement et de façon juste ».
Sources : Sidwaya.bf